Des chiens dans nos assiettes au XVe siècle ?

article rédigé par Camille Hoët, étudiante en L2 Arts et culture à l'Université catholique de Lille, stagiaire en Archéozoologie à l’UMR 8164-HALMA en juin 2022

Étudiante stagiaire dans le cadre d’une Licence des métiers de la Culture et des Arts, j’ai eu l’opportunité de découvrir et d’observer le métier d'archéozoologue à l’unité de recherche HALMA-UMR 8164.

Cet article a été écrit lors de l’étude et l’inventaire d’ossements issus des fouilles du service archéologique de Valenciennes. Avec Ben Gruwier, ingénieur d’étude contractuel, nous avons identifié les ossements de chiens présents dans les ensembles archéologiques transmis pour étude au laboratoire de Bioarchéologie animale d’HALMA et avons relevé les modifications constatées à leur surface.

Le constat de la pratique de la cynophagie a motivé la rédaction de notre article.

L’origine des ossements

 À Valenciennes, des fouilles ont été lancées en 2020 en amont de la construction d’un nouveau cinéma en centre-ville. Le terrain était inoccupé depuis un incendie de l’ancien arsenal en 1793. Les fouilles ont révélé les fondations de cet arsenal du XVIIIe siècle, mais aussi les vestiges de deux demeures du XVe siècle ; l’une d’entre elles semblerait être celle d’une famille illustre dans la ville de Valenciennes, la famille de Lannoy, l’autre semble être l'hôtel Maingoval, un hôtel particulier. Après la fouille archéologique, de nombreux spécialistes ont pris en charge l’étude des vestiges de céramique, botanique et faunique ; parmi les restes animaux, les vestiges de nombreux chiens, de différentes tailles et races ont été découverts. 

Le destin des chiens

 Les points communs entre les individus étudiés :
l’absence de leurs membres antérieurs (pattes avant) et la présence de traces de découpe sur les ossements.
On peut donc déduire que ces chiens ont subi un traitement boucher et qu'ils ont été consommés.
La photographie ci-contre à droite montre le crâne de l’un de ces individus ; on remarque un coup de hachoir ou de couperet sur le haut du crâne (A), geste qui a dû entraîner la mort de l’animal. 

Cette marque montre les techniques d'abattage des chiens. Le même individu affiche également une fracture ancienne du museau qui a été occasionnée par un traumatisme pouvant être en rapport avec une maltraitance des chiens (B). Une multitude d’autres traces d'outils de boucherie ont été relevées, notamment pour prélever la viande de la région lombaire (cliché à gauche). 

Des chiens destinés à la consommation de l’homme ?

 Ces restes de chiens étaient destinés à la consommation, mais on ne sait pas s’ils étaient voués à une consommation humaine ou animale, ou encore à une autre utilisation inconnue. Le schéma de découpe des espèces ne correspond pas au traitement de la viande habituellement consommée tel que pour le mouton ou le porc. On note également que le traitement de ces chairs est domestique ; il n’a pas été effectué en boucherie, mais bien directement au domicile par les habitants.

 On relève la consommation de chiens dès la protohistoire et ell va se perpétuer jusqu'à s'effacer à partir de l'époque médiévale. L’histoire de France a connu des périodes de consommation de viande canine, due à des facteurs tels que la famine ou le manque de vivres. On le voit par exemple lors du siège de Paris (1870-1871) : avec la pénurie et la famine, on retrouve des boucheries de chats, de chiens et de rats. Il semble que la consommation de viande canine aurait pris fin au tout début du XXe siècle.

Encore aujourd’hui, la consommation de viande de chien est attestée dans des pays comme la Chine, les Philippines, la Corée du Sud, le Vietnam et encore bien d’autres.

Télécharger l'article original